Les Groupements forestiers, pré forestiers et matorrals de la région de Tlemcen : Diversité et endemisme

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Les Groupements forestiers, pré forestiers et matorrals de la région de Tlemcen : Diversité et endemisme


Date de publication : 28 février 2008


Résumé


De part sa situation géographique, sa végétation, son climat, son relief et sa structure, la forêt algérienne est typiquement méditerranéenne. Elle présente une grande affinité avec les autres forêts méditerranéennes notamment dans sa structure et sa dynamique. Sa flore est réputée pour sa diversité et son endémisme. La dégradation actuelle de l’environnement, trop rapide et intense, dans cette région ; font peser de lourdes menaces sur la diversité biologique et déciment de nombreuses endémiques.


Si l’étude floristique de l’Algérie et en particulier l’Oranie est relativement satisfaisante, les études et recherches sur l’endémisme restent actuellement extrêmement fragmentaire. Pour cela, nous avons tenter de réaliser cette étude visant en premier lieu à faire une analyse floristique et une répartition biogéographique de la végétation de la région de Tlemcen .Ceci va nous permettre de vérifier s’il existe une relation entre le taux d’endémisme et les facteurs écologiques.


La région de Tlemcen, partie intégrante de l’ouest algérien a été choisie comme zone d’étude. La région couvre en grande partie la wilaya de Tlemcen (Ghazaouet, Maghnia, Zarifet et Hafir) avec l’inclusion d’une station à Beni Saf.


Elle est formée de trois ensembles distincts : Les Monts de Tlemcen, Les plaines telliennes, Les Monts des Traras.


Mots clés


Groupements forestiers, Groupements matorrals, Tlemcen, diversité, endemisme .


Introduction



Comme dans toute la zone méditerranéenne, les sols sont le plus souvent soumis à l’érosion, aussi leur forme la plus fréquente est celle de sols tronqués. Le constat actuel des faciès forestiers dans les Monts de Tlemcen laisse entrevoir que les stades climaciques se raréfient et cèdent la place à une végétation de type maquis très clairsemés. L’état du sol ne fait que confirmée ce constat ; En effet, il se trouve que ce dernier soit le plus souvent tronqué, subissant le flux de l’érosion éolienne et hydrique, et ou le paysage le plus couramment observe est celui d’un environnement à affleurement rocheux sans précèdent.

 

Ce cas a été relevé notamment dans les stations de Djebel Nador ou la végétation est plutôt de type maquis. Les rares sols complets étudiés correspondent à une végétation à ambiance silvatiquement proche des milieux purement forestiers ; On remarque aussi dans les stations de Hafir et de Tesser Mramet un gradient dynamique progressif du sol et de la végétation favorisé par l’ambiance bioclimatique régnant dans le site (sub-humide à variante fraîche) et une hygrométrie très importante.

Il nous a paru donc judicieux d’étudier de prés ces phénomènes en comparant dans la même ambiance du sub-humide, plusieurs stations : sous forêt dense de Quercus suber, sous forêt dégradée de Quercus ilex et sous pelouse après dégradation de la forêt de chêne vert.

 

Nos perspectives consistent en la conservation de ces milieux restant potentiellement très riche tant du point édaphique que phyto-écologique ainsi que par un engagement politique d’aménagement pour sauver les quelque rares enclaves du sub-humides qui existe dans les monts de Tlemcen.

Méthodes



Le zonage a été effectué grâce aux différentes études comparatives menées au sein du laboratoire d’écologie végétale et grâce au maillage floristique. En utilisant les mêmes types d’analyses : Inventaire d’une centaine de relevés selon la méthode Zurico-Montpellerienne, Echantillonnage stratifié avec air-minima, Données floristiques en présence-absence, Différents spectres phytogéographiques, biologiques spécifiques et génériques ont été obtenus à l’aide d’un dénombrement classique.

Résultats



L’analyse de la végétation sur le terrain, nous a permis d’établir un inventaire des groupements végétaux et de comprendre leur place respective dans le sens évolutif (dynamique et succession).


La biodiversité écosystémique et paysagère est traduite par l’existence d’un très grand nombre de types d’écosystèmes naturels et d’éco complexes méditerranéens ou steppiques. Les plus diversifiés, sont de types forestiers dans les bioclimat subhumides et semi arides supérieur ; et de types pré forestiers, pré steppiques ou steppiques dans les bioclimats semi-arides inférieurs et arides.


Le zonage écologique est constitué comme une première analyse des formations végétales qu’on peut observer dans la zone d’étude. Il est représenté physionomiquement par trois strates de végétation : arborée, arbustive et herbacée.


Les grands écosystèmes naturels de la région sont représentés par les phytocénoses qui sont organisés par les essences arborescentes suivantes : Quercus ilex, Quercus suber, Quercus coccifera, Quercus faginea, Juniperus oxycedrus subsp rufescens, Olea europea var oleaster, Pistacia lentiscus, Ceratonia siliqua, Myrtus communis, Crateagus axyacantha, Phillyrea angustifolia et Arbutus unedo.


D’autres espèces arbustives organisent des écosystèmes qui sont résiduels pour la majorité d’entre eux. Il s’agit de Cistus ladaniferus, Cistus villosus, Daphne gnidium, Chamaerops humilis Subsp. Argentea, Calycotome spinosa, Lavandula dentata, Lavandula stoechas, Ampelodesma mauritanicum, Asparagus acutifolius, Erica arborea, Erica multiflora, Inula viscosa, Cytisus triflorus, Ulex boivini, Ulex parviflorus.


Plusieurs dizaines d’hectares forestiers sont actuellement thérophytisés. De grandes surfaces sont envahies par des espèces annuelles souvent nitrophiles et disséminées par les troupeaux. Parmi les espèces présentes nous avons : Anagallis arvensis, Selvia verbeneca, Centaurea pullata, Teucrium polium, Convolvulus althaeoides, Echium vulgare, Plantago serraria, Plantago lagopus, Pallenis spinosa, Malva sylvestris, Reseda alba, Urginea maritima, Arisarum vulgare, Asteriscus maritimus, Papaver rhoeas, Euphorbia paralias, Chrysanthemum grandiflorum, Silene coeli- rosa, Calendula arvensis, Ballota hirsuta, Aegilops triuncialis, Erodium moschatum.


Les écosystèmes naturels steppiques sont, au contraire, très étendus. Les plus importants parmi ces derniers, sont ceux organisés par Stipa tenacissima et Artemisia herba alba. Les autres écosystèmes particuliers (ripisylves, aquatiques, halophytes ou
psammophiles) sont assez communs.


Les conditions climatiques, édaphiques et les pressions humaines et animales qui agissent sur le milieu sont souvent défavorables à un développement et une évolution optimale. Elles imposent de ce fait une structure et une physionomie particulière à la végétation ligneuse. En effet, ces formations végétales subissent une dégradation, d’où l’observation d’un changement d’une formation forestière à une formation pré forestière puis à matorral.


Ces groupements végétaux peuvent être des références, des points de repère, et dans une certaine mesure, peuvent donner un aperçu sur les conditions locales.


La richesse floristique de la région est très appréciable sur le plan quantitatif. La flore de la zone d’étude compte environ 326 espèces soit 11% de la flore Algérienne. Elles appartiennent aux Sous Embranchement des gymnospermes et angiospermes ; avec 57 familles et 193 genres. Ce qui représente près de 44% des familles existantes dans la flore d’Algérie avec environ 18% des genres. Sa richesse est dominée par les Composées, Graminées et Papilionacées reconnues par leur résistance à la rigueur des conditions climatiques.

Les gymnospermes constituent 1,53% de la région d’étude contrairement aux angiospermes qui dominent largement. Ces derniers constituent 98,47% du matorral avec 84,98% de dicotylédones et 13,49% de monocotylédones.

La fragilité de ces écosystèmes nous a amené à préciser la diversité biogéographique que connaissent ces taxas pour mieux cerner la dynamique de la végétation de cette région et les modalités de mise en place [1].

De part sa situation géographique, l'Algérie chevauche entre deux empires floraux: l'Holarctis et le Paleotropis. Cette position lui confère une flore très diversifiée par des espèces appartenant à différents éléments géographiques.

Du point de vue biogéographique et phytogéographique, la région de Tlemcen est dominée par :
- L’élément Méditerranéen autochtone (57%),
- L’élément Européen Méditerranéen (8,59%),
- L’élément Eurasiatique (6,44%),
- Les endémiques avec un pourcentage relativement faible (5.52%).


Et nous remarquons que la végétation Ibéro-Mauritanienne (3.37%) cosmopolite (3.99%), Paléo-Tempérée (3,06%), Nord Africaine (2,76%) a une place significative. Par contre, les autres éléments phytogéographiques sont très peu représentés.


La flore de la région apparaît sur le plan phytogéographique comme un ensemble hétérogène lié à la diversité des climats et des substrats qu’elle occupe ainsi qu’aux facteurs historiques. L’importance progressive de l’élément plurirégional témoignerait de l’importance de l’action anthropique dans l’uniformisation et la banalisation de la flore.


On doit s’interroger sur la grande mixité de cette végétation ; qui montre un faciès dynamique régressif, caractérisé par un pourcentage important d’espèces :
-Thérophytes (43%),
-Chamaephytes (21%),
-Hemicryptophytes (17%),
-Phanérophytes (11%).
-Géophytes (8%).


Ce brassage d’élément donne une végétation du type Th > Ch > He > Ph > Ge.


La comparaison des spectres biologiques montre l’importance des thérophytes qui confirme sans nul doute la thérophytisation annoncée par plusieurs auteurs [2]. Les espèces sclérophylles qui rejettent des souches sont de plus en plus remplacées par les chamaephytes adaptées au feu ou par une flore éphémère à base des thérophytes qui ne protégeant en aucun cas les sols exposés à l’érosion.


La diversité floristique et la répartition des espèces sont exprimées par des stratégies adaptatives face à des contraintes environnementales. Il ressort que les hémicryptophytes épineuses non palatables et les Thérophytes envahissent largement le tapis végétal. Une nette dominance des pelouses thérophytes est observée ; ces dernières malgré leurs faibles recouvrements ont un intérêt pastoral non négligeable [3].


La complexité floristique accusée par le matorral de la région de Tlemcen apparaît comme le résultat des effets anthropo-climatiques qui y sont survenus depuis une vingtaine d’année.

Endémisme :

Les endémiques sont des unités systématiques confinées à une partie toujours bien délimitée du globe. Leur aire est plus étendue, selon le rang de l’unité considérée. Par contre au niveau de l’espèce l’aire est généralement réduite.

La flore de l’Algérie, sahara exclu, comprend environ 2840 espèces dont 247 espèces qui doivent être considérées comme endémiques de cette région. Soit un pourcentage de 12.6%. Parmi les espèces endémiques, nous pouvons distinguer 165 endémiques Nord Africaines, 270 endémiques algériennes, alors que l’UICN (Union Internationale de la conservation de la nature) ne signale que 168 endémiques spécifiques de l’Algérie. [4] ont recensé environ 3150 espèces en Algérie Méditerranéenne, le nombre approximatif des endémiques étant 320 actuellement.

Les éléments endémiques qu’on trouve dans les stations étudiées sont les suivants :
- Les endémiques Nord Africaines sont représentées par 10 espèces : Helianthemum helianthemoïdes, Geranium atlanticum, Hippocrepis minor subsp mumbyana, Delphinium mauritanicum, Linum tenue subsp tenue, Erodium hirtum, Sonchus arvensis, Thymus ciliatus, Thymus algériensis, Thymus vulgaris.
- Les Endémiques algériennes sont représentées par 04 espèces : Chrysanthemum grandiflorum, Genista tricuspidata, Phlomis boveî, Scrofularia laevigata.
- Les endémiques algéro-marocaines sont représentées par 04 espèces : Solenanthus lanatus, Satureja briquetti, Picris balansae, Iris sisynrichium.
- Les endémiques algéro-tunisiennes sont représentées seulement par 02 espèces : Iris unguicularis, Centaurea parviflora.

Ces endémiques sont assez communes dans la région de Tlemcen dans l’étage semi-aride. Elles sont d’autant plus fréquentes que le sol est squelettique et le substratum est calcaire sur une grande surface.

Les espèces considérées endémiques inventoriées dans la zone d’étude ne sont représentées que par quelques individus isolés, avec un nombre réduit. L’appauvrissement en caractéristiques endémiques est dû principalement à :
- Une faible tendance à la variation qui admet que plus une espèce est ancienne, moindre est sa tendance à donner des variétés.
- Isolement systématique, en effet, le genre n’est représenté que par une espèce, par exemple, Ulex boivini, Sideritis montana.

 

Les endémiques en Oranie sont de plus en plus rares en raison de l’intense dégradation (climatique et anthropozoogène). A ce sujet, [5] signale que le maintien d’un certain taux d’endémisme, dans la plupart des structures étudiées, nous ont amenés à sous estimer le risque d’éradification lié à la pression humaine. En effet, si par leur nombre, les endémiques semblent encore résister, leur occupation de l’espace est fortement affectée.

Conclusion



L’étude menée montre la richesse de ces écosystèmes au niveau naturel, paysager, botanique et historique. Ainsi les principales décisions concernant l’avenir de cette entité sont raisonnées afin de protéger et de valoriser sa biodiversité. La connaissance des particularités biologiques et écologiques des espèces de même que l’identification des facteurs historiques et actuels à l’origine des fluctuations de la flore sont indispensables à toute action de conservation de la biodiversité.


Les modifications du couvert végétal dans la zone d’étude sont importantes souvent dramatiques. On observe, en effet, une disposition à la mise en place des formations thérophytisées à tendance monospecifique et cortège floristique banal dominé par les éléments plurirégionaux altérant le patrimoine phytogénétique.


Malgré le maintien d’un taux d’endémisme, la tendance est à l’uniformisation et à la banalisation de la flore liée à l’extension des éléments plurirégionaux.


L’avenir est préoccupant quant au maintien de ce patrimoine végétal de la région qui s’effrite au fur et à mesure des années. Il est important de mettre en place des programmes avec des mesures efficaces afin de sauvegarder le reste de ces espèces considérées endémiques dans cette région.

Quelque soit la conclusion qu’on tirera, une chose, une vérité est admise ; la pérennité de ces formations passent obligatoirement par la nécessité d’envisager des modes de gestion les plus équilibrés et doivent être adaptés aux exigences de ces formations.

Références bibliographiques


[1] QUEZEL P., 2000 – Réflexion sur l’évolution de la flore et de la végétation au Maghreb Méditerranéen. Ibis Press. Edit. Paris. 117 P.
[2] BARBERO M. et QUEZEL P., 1995 – Désertification, désertisation, aridification in the Méditerranean region and global chamges. Univ. Aix- Marseille III – URA.CNRS 1152, Functioning and dynamic of natural and perturbed ecosystems. Technique et Documentation. Lavoisier, Intercept LTD, 1995.
[3] BOUAZZA M. et BENABADJI N ; 1998 – Composition floristique et pression anthropozoïque au Sud-Ouest de Tlemcen. Rev. Sci. Tech. Univ. Constantine. Algérie –pp. 93-97.
[4] MEDAIL F. et QUEZEL P., 1997 – Hot – Spots analysis for conservation of plants biodiversity in the Mediterranean Basin, Ann. Missouri Bot. Garden, 84 pp : 112 – 127.
[5] DAHMANI MEGREROUCHE M., 1997 - Le chêne vert en Algérie. Syntaxonomie, phytosociologie et dynamique des peuplements. Thèse Doct. Es. Sciences - Univ. Houari Boumediene. ALGER. 383P.

Auteurs : Ayache Fouzia* (doctorante), BOUAZZA Mohamed (Professeur)


* Laboratoire d’Ecologie Végétale et de Gestion des Ecosystèmes Naturels, Département de Biologie, Faculté des Sciences, Université Abou Bakr Belkaid – Tlemcen, 13000, Algérie, ayache_tlm@yahoo.fr / ecovegfou@yahoo.fr

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