En France, elles sont désormais
réservées aux déchets ultimes |
DECHARGES : quel avenir ? (EXTRAIT DE LIVRE) Chapitre 7. Décharges, régime minceur
La loi française du 13 juillet 1992 marque un tournant (un virage
idéologique) vis-à-vis de la mise en décharge. Alors
que celle-ci était jusqu'alors considérée par le
Ministère de l'Environnement comme une solution acceptable, sinon
recommandée, en particulier pour accueillir les ordures ménagères
de collectivités de taille petite ou moyenne, sous réserve
de respecter certaines règles, la loi de 1992 marque une rupture
: elle stipule que, à compter de juillet 2002, les installations
d'élimination des déchets par stockage ne seront autorisées
à accueillir que des déchets ultimes, c'est-à-dire
" des déchets, résultant ou non du traitement de déchets,
qui ne sont plus susceptibles d'être traités, dans les conditions
techniques et économiques du moment, notamment par extraction de
la part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant
ou dangereux ". La décharge devient ainsi " Centre de
stockage de déchets ultimes " (CSDU
L'avenir du déchet, c'est sa disparition ". Chez les plus
radicaux, l'ultime relance l'utopie du zéro-déchets. Le
déchet ultime rappelle " Le dernier des Mohicans " et,
vis-à-vis du Nimby Il estime qu'une réorientation est souhaitable ; il faut :
Guellec ne cache pas l'ampleur de la tâche : c'est une " révolution
culturelle " à accomplir. Elle indique que la décharge ne devra pas recevoir de déchets bruts, c'est-à-dire de déchets non issus de collectes séparatives et n'ayant subi aucun processus de tri pour extraire : Ø des matériaux en vue de leur recyclage, Non seulement la décharge n'est plus " bonne-à-tout-faire
", mais l'admissibilité des déchets dans les centres
de stockage devient draconienne (
au moins en théorie). " Au demeurant, cette restriction d'acceptation aux seuls déchets issus de collectes sélectives constituera également une condition future appliquée aux autres unités de traitement, comme l'incinération, conditionnant par exemple l'octroi de soutiens financiers ", ajoute Dominique Voynet. Pour les stockages d'ordures ménagères, les tâches à accomplir consistent à adapter certaines des 1150 décharges de classe 2 jusqu'alors autorisées, à fermer les autres sites et à les réaménager, y compris les 6000 décharges brutes recensées, sans compter les quelques 25 000 dépôts sauvages (les nombres varient fortement selon les sources). Dans sa Lettre de novembre 1997, l'Ademe rappelle les dispositions prises ou programmées par divers pays européens, visant à ne plus accepter en décharge certains catégories de déchets : en Suisse, depuis 1996, la mise en décharge de déchets recyclables est interdite et, à partir de 2000, l'interdiction de mise en décharge concerne également les déchets incinérables. Depuis 1996, la mise en décharge de déchets incinérables est interdite au Danemark, ainsi qu'aux Pays-Bas, où l'interdiction touche en outre 32 produits (dont les batteries, les véhicules, etc.). En Allemagne, à partir de 1999, un prétraitement est obligatoire. En Norvège, à partir de cette même date, les déchets organiques sont interdits. A partir de 2005, seuls seront admis en Autriche les déchets incinérés ou prétraités, en Allemagne les déchets contenant un maximum de 5 % de carbone organique et, en Suède, la fraction organique devra être nulle. En fait, la mise en décharge est-elle plus risquée, pour la santé et l'environnement, que l'incinération ? La réponse reste incertaine, et dépend des procédés, des conditions d'exploitation, ainsi que du contexte local. Alors que l'EPA aux Etats-Unis et divers pays européens avaient fait depuis plusieurs années " la chasse aux dioxines " des incinérateurs, la France parlait volontiers de dioxinophobie, jusqu'à découvrir tardivement le problème. En janvier 1998, la Communauté Urbaine de Lille a été contrainte à suspendre l'activité des trois usines d'incinération de l'agglomération, à la suite d'analyses ayant révélé une teneur en dioxines trois fois supérieure aux normes dans le lait de vaches de deux élevages. En avril 1998, une étude du Ministère de l'environnement a révélé que la plupart des incinérateurs français d'ordures ménagères ne respectaient pas la norme admise au niveau européen [27]. Feu la décharge ? " N'enterrez pas les décharges ", écrit en 1996 Hervé Billard, dans un éditorial de la Revue Déchets, Sciences et Techniques [61]. Elle constitue un " bout de chaîne obligé ". La Revue Techniques-Sciences-Méthodes de l'AGHTM lui consacre un dossier en janvier 2000 : " la décharge a un avenir : le centre de stockage " [22]. Selon ses auteurs c'est un maillon incontournable de toute filière de traitement : " le stockage est un mode de traitement à part entière (et non par défaut) et un vrai mode de traitement ", assorti de règles de l'art, qui s'intègrent dans un savoir-éliminer. " Ce mode de traitement est économiquement compétitif, techniquement évolué et performant au niveau de l'impact environnemental ", ajoutent-ils. La loi de juillet 1992 ne concerne pas que les déchets ménagers et assimilés. Pour les déchets industriels spéciaux (DIS), des Plans régionaux d'élimination doivent être établis, et il était initialement prévu que chaque Région se dote d'un Centre de stockage de DIS. D'une façon plus générale, les plans restent conçus à la française, c'est-à-dire comme une mise en cohérence des projets des acteurs concernés, entre eux et au regard de la loi ; mais diverses installations de traitement sont définies sans que leur localisation soit précisée ; certaines resteront virtuelles. Faisant suite à une résolution du Conseil des Communautés Européennes du 7 mai 1990, qui invitait la Commission à proposer des critères et des normes pour l'élimination des déchets par la mise en décharge, une Directive européenne a été adoptée le 26 avril 1999 - donc neuf ans plus tard - et a été publiée au J.O.C.E. du 16 juillet 1999. Les Etats-membres doivent la transcrire en droit interne dans un délai de deux ans, c'est-à-dire avant le 16 juillet 2001. Parmi les considérants, on peut relever que les activités de mise en décharge doivent être sûres et contrôlées, qu'il convient d'encourager la prévention, le recyclage et la valorisation des déchets, ainsi que l'utilisation des matériaux et de l'énergie récupérés, afin de ménager les ressources naturelles et d'éviter le gaspillage dans l'utilisation des sols ; l'article 5 le répète. De plus, il faut réduire tant la quantité que le caractère dangereux des déchets mis en décharge. L'article 6 précise que seuls les déchets traités doivent être mis en décharge, . mais le vocable français de déchets ultimes n'est pas explicitement retenu. Le principe de proximité et d'auto-suffisance est réaffirmé. L'article 4 distingue trois catégories de décharges :
Dans l'annexe 1, les exigences en matière de perméabilité et d'épaisseur des couches géologiques sont fixées comme suit :
Parmi les considérants, on retiendra plus encore (considérant n° 16) que " pour lutter contre le réchauffement de la planète, il convient de prendre des mesures afin de diminuer la production de méthane par les décharges, grâce à une réduction de la mise en décharge des déchets biodégradables et à l'obligation d'introduire un contrôle des gaz de décharge ". A ce sujet, des objectifs quantitatifs et un échéancier sont fixés à l'article 5 :
L'article 5 indique également que certains déchets ne devront plus être admis en décharges ; à savoir :
Le plus novateur réside sans nul doute dans la réduction programmée, dans les plans nationaux et régionaux, de la mise en décharge de déchets biodégradables, " pour lutter contre le réchauffement de la planète ". L'Allemagne et la Suède avaient déjà programmé des mesures - plus draconiennes - en ce sens (respectivement 5 % et 0 % de matières organiques en décharge, à partir de 2005). Si on ajoute que les " fractions sèches " contenues dans les déchets ménagers et assimilés devraient être valorisés, notamment par recyclage, la mise en décharge serait réduite à " la portion congrue ". La Directive européenne vise tout particulièrement l'organique fermentescible, le putrescible, les déchets enterrés vivants. Selon le Professeur Terra, psychiatre, la peur de la pourriture continue à alimenter des phobies, sources de pathologies cliniques ; tel n'est pas le cas pour le nucléaire et ses déchets. En laissant de côté un point de vue psychiatrique ou psychanalytique, la Directive européenne correspond à un nouveau virage idéologique : elle met en cause la décharge conçue comme " réacteur biologique ". La raison mise en avant est la lutte contre le réchauffement de la planète, dû à l'émission de gaz à effet de serre. Suite au Protocole de Kyoto, il est prévu que l'Union Européenne réduise ses émissions de 8 % (par rapport au niveau enregistré en 1990) en 2010. Après une répartition des effets entre les quinze Etats-membres, l'engagement français correspond à une stabilisation de ses émissions. Parmi les gaz à effet de serre Le programme national français, rendu public en janvier 2000, comporte un chapitre consacré aux déchets. La part de ce secteur dans le total des émissions est estimée à environ 3 %, avec deux sources majeures : émissions de méthane résultant de la fermentation anaérobie des décharges et émissions de CO2 dues à l'incinération des déchets d'origine fossile (surtout les matières plastiques). Pour le secteur des déchets, l'objectif assigné est une baisse de 25 % en 2010. Dans les décharges, la production de biogaz résulte de la fraction organique fermentescible des ordures ménagères, y compris les papiers-cartons et les textiles naturels. Pour ces fractions, qui représentent couramment, dans les pays industriels, 60 % du tonnage total, P. White [62] estime les émissions de biogaz à 250 Nm3/tonne. Rapportées à la tonne d'ordures, les émissions seraient de 150 Nm3/tonne. Les estimations varient toutefois selon les auteurs, et la composition des déchets, de 100 à 400 Nm3. L'AGHTM [22] retient en définitive 200 Nm3. Les calculs sont également susceptibles d'être faits sur une base théorique, en se référant à l'analyse stoechiométrique relative au carbone mobilisable. La réaction chimique " de base " est la suivante :
La méthanogénèse
Les émissions de gaz à effet de serre associées à la mise en décharge ne sont pas immédiates. Quelle durée faut-il prendre en compte ? Celle-ci est théoriquement infinie, mais le pragmatisme conduit à ne considérer que la période active identifiée. Les profils d'émissions varient suivant la composition des déchets et les conditions locales, y compris d'exploitation. La plupart des auteurs s'accordent à penser que les quantités " instantanées " émises passent par un maximum au cours des vingt premières années, puis diminuent d'année en année. Le diagramme joint en fournit une illustration. On notera en outre que la composition du biogaz évolue très sensiblement dans le temps. Il a été considéré dans cet exemple que le biogaz était collecté et valorisé pendant quarante ans. Le " taux de captage " peut être calculé (ou estimé) soit en instantané, soit en cumulé pendant la période de collecte, soit - également en cumulé - par référence à la période active. Alors que, pendant la période de collecte, le taux de captage peut dépasser 85 %, le résultat global n'est peut-être que de 50 %. Ce diagramme a été établi dans le cadre d'un programme de recherche, coordonné par Sita, associant divers partenaires français et américains (y compris l'EPA), des opérateurs et des universitaires. Les données relatives à cinquante sites de référence, en France et aux Etats-Unis, ont été utilisées [63]. Il s'agissait en fait, plus globalement, de réaliser une ACV Diverses hypothèses relatives au devenir du biogaz collecté ont été faites, et le " principe de substitution " a été appliqué pour calculer les réductions d'émissions par rapport à d'autres voies (elles-mêmes diverses) de production d'énergie. Il est toutefois précisé qu'il ne s'agit pas d'un outil de comparaison des modes de traitement des déchets. |